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Une fonderie sauvée qui retrouve de l'ambition

Le groupe suédois AKERS voulait se désengager de sa fonderie de Sedan (fabrication de cylindres pour l'acierie), mais le site et ses 122 emplois ont été préservés suite à la reprise de l'activité par deux de ses cadres fin décembre 2013.

Alors que François Hollande a annoncé des mesures pour séduire les investisseurs étrangers, de nombreux groupes internationaux ont déjà quitté la région ces derniers mois. Rares sont les issues heureuses comme c'est le cas à Sedan avec la reprise d'Akers par deux cadres de l'entreprise. Fabrication de cylindres (entre 5 et 30 tonnes) utilisés dans l'acierie, la société créée à l'origine sous le nom des Acieries de Longwy en 1882, avait changé plusieurs fois de propriétaire jusqu'à l'arrivée des Suédois d'Akers en 1998.

Les Scandinaves ne seront restés que quinze ans dans les Ardennes notamment en raison de la crise économique. "Akers est un des leaders de la fabrication de cylindres et disposait notamment de 4 usines en France. Avec ses différents sites, le groupe maîtrisait plusieurs techniques de fabrication. Notre usine de Sedan est, elle, spécialisée dans le moulage", présente Denis MUSZALSKI, ex-DRH et co-repreneur de l'entreprise avec son directeur, Pascal VANDERPOORTE. Les relations avec la direction suédoise ont commencé à se compliquer en raison de la crise économique et de la perte des marchés. "En 2008, le groupe réalisait 450 M€ de chiffre d'affaires et employait 2000 personnes. En 2012, nous sommes descendus à 175 M€ de chiffre d'affaires et 1200 collaborateurs. A Sedan, le CA est passé de 38 M€ à 15 M€ et les effectifs de 203 à 135 personnes sur la même période", constate Denis MUSZALSKI. Cette chute brutale de l'activité a mis en évidence un problème central dans un marché tendu : l'usine sedanaise est en concurrence avec la maison-mère suédoise de Styckebruk : "Nous sommes devenus un handicap réciproque. Nous leur apportons une concurrence avec des produits de meilleure qualité tandis que les frais de groupe étaient trop lourds pour nous. Avec Pascal VANDERPOORTE, nous avons estimé que nous avions plus de chance de nous en sortir en tant que PME indépendante".

Un contrat de sous-traitance garanti par Akers

Au départ, Akers a proposé aux Ardennais de réduire progressivement mais drastiquement leur activité principale de production de cylindres pour se concentrer sur des co-produits alors peu développés. Une situation qui n'aurait pas permis à l'usine sedanaise de tenir très longtemps. Tout s'est alors accéléré mi-octobre 2013 quand les repreneurs ont fait une contre proposition en indiquant leur volonté de racheter le fonds de commerce. "Nous avons effectué notre proposition le 15 octobre dans laquelle Akers s'engage à nous commander en sous-traitance 17 M€ de chiffre d'affaires de cylindres en 2014, puis 15 M€ en 2015 et 2016. C'est une garantie importante dans un marché encore atone. Tout le monde s'est mobilisé et l'offre a été acceptée grâce à l'engagement des pouvoirs publics. Nous devions aller vite car nous ne savions pas si le dispositif du BER allait être prolongé (zone franche, finalement reconduite jusqu'à fin 2014, ndlr) et nous avons officiellement racheté le site le 30 décembre en conservant les 122 salariés", souligne-t-il. Une transaction validée par référendum avec l'adhésion de 100% des salariés, conscients d'avoir "une chance supplémentaire" et alors que 10 000 heures de chômage partiel ont été mobilisées en 2009, par exemple. Des collaborateurs qui seront associés à cette reprise : "Nous avons prévu leur entrée dans le capital social courant 2014".

Autonome mais avec des commandes assurées pendant trois ans, la nouvelle entité AFS Sedan (Advanced Foundry Services) peut donc être relativement optimiste pour l'avenir. En 2014, Denis MUSZALSKI prévoit ainsi la fabrication de 420 cylindres et de plus de 50 lingotières, le principal co-produit développé pour le moment. "Nous avons un réel savoir-faire et notre qualité est reconnue, mais nous devons mettre en place un plan de formation et effectuer de la R&D pour, par exemple, améliorer encore la composition métallique de nos produits", indiquet-t-il. En 2017, viendra alors le choix de poursuivre une opération de sous traitance avec Akers ou de voler totalement de leurs propres ailes en attaquant directement les marchés : "Nous prenons donc le temps pour recruter notre force de vente de qualité car 80% de notre chiffre d'affaires est réalisé à l'export".

Au moins 30 jours pour produire 1 cylindre

Dans son vaste site de Sedan (44 000 m2 de bâtiments sur un terrain de 200 000m2), le nom d'Akers est encore présent un peu partout. La nouvelle signalétique d'AFS Sedan est en effet attendue dans les prochaines semaines. AFS produit des cylindres pour les aciéristes du monde entier (40% en Europe et près de 30% en Asie, hors Chine), les coûts de transport ne représentent en effet pas une part très importante dans l'expédition de telles pièces de fonderie. "Nous réalisons le moulage de cylindres bimétalliques de travail pour trains à chaud", précise Denis MUSZALSKI, le co-repreneur de l'usine. Pour livrer des pièces qui peuvent atteindre 30 tonnes à ses clients, l'entreprise utilise principalement la voie maritime, au départ du port d'Anvers pour le moment. Ces opérations seraient-elles possibles un jour depuis Givet ? "C'est une question à étudier afin de savoir si l'infrastructure peut répondre à nos besoins", répond-t-il.

En fonction du type de produits réalisés, la fabrication peut durer entre 30 et 75 jours et le process comprend plusieurs étapes : fonderie (fusion et moulage des cylindres à base de sable), traitement thermique pour solidifier le produit (nettoyage sur ébarbeuse et contrôle qualité), usinage (ébauche, finition, contrôle et emballage).

Article de Philippe DEMOOR paru dans le MATOT BRAINE du 24 février au 02 mars 2014